mardi 28 août 2012

Val HOLMES : « Avec ou sans les gants ? »


Plasticienne textile, Val HOLMES expose dans plusieurs pays. Auteure de sept ouvrages sur le sujet, elle enseigne à des élèves anglophones et francophones. 




En quoi la formation en art textile que vous proposez est-elle un chemin d'évolution personnelle ?

Il s'agit d'abord de ma propre évolution. Lorsque j'enseigne, j'apprends deux fois. Pour les élèves, il y a deux plans. Tout d'abord, le plan technique. Certains pensent qu'un apprentissage de savoir-faire leur suffit pour être artiste. D'autres sont ouverts à la deuxième dimension qu'est la partie conception. Cela suppose d'aller chercher dans son propre vécu quelque chose en soi. C'est plus facile dans la durée.

Quand je commence à connaître les personnes, je les aide plus facilement. Avec de petits groupes, on peut trouver les moyens de faire des choses incroyables. Cela suppose de ne pas rester dans le « à quoi ça sert ? » ou dans le « je suis nulle en art » hérité d'un passé scolaire en art plastique.

Le travail sur les résistances, c'est mon rôle. Je suis un peu celle qui tenant la plume, aide l'éléphant Dumbo à voler. Bien-sûr, il faut qu'il y ait un rapport de confiance. Sans cela, je ne peux rien. Les gens apprendront quelques techniques, mais n'avanceront pas. Si, au contraire, ils font confiance, l'avancée peut être phénoménale. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est la vérité.

Si j'explique pourquoi on fait ça, à quoi ça va servir, les personnes résistent.

De plus en plus de gens savent qui je suis. Plus les gens croient, plus je suis capable de les aider.


Comment faites-vous pour les faire avancer ? 

Lorsque je critique un travail, normalement, je demande la permission :
« Est-ce que tu le veux avec ou sans les gants ? ».
Bien-sûr, on peut caresser dans le sens du poil, mais si la personne, en deuxième année, me réclame toujours les gants, on peut se demander ce qu'elle fait là.
Dans une école de beaux-arts, on souffre. L'étape suivante, c'est d'acquérir une capacité d'auto-critique. A condition que ce ne soit pas une dénégation de surface : «  Ah ! Je suis nulle ! »
Certaines personnes apprécient d'être critiquées. C'est un autre œil sur la vie. Avec la capacité qui s'acquiert de critiquer les choses jusqu'au bout. Par exemple, en visitant une exposition d'art contemporain. Ce n'est pas seulement un travail personnel. C'est la capacité d'avoir un regard sur autre chose. On n'est plus dans des apprentissages d'art plastique parfois trop complaisants.
La démarche est très individuelle. Il s'agit de trouver ce qu'il y a à l'intérieur de soi et de le sortir.
Il n'y a pas un processus reproductible de untel à untel.


Sortir ce qu'il y a à l'intérieur de soi, s'agit-il d'art thérapie ?

Il y a deux façons de pratiquer l'art thérapie.
On peut passer du temps à la table de travail. C'est ce que j'appelle du « killing time ». On s'occupe pour éviter d'aller trop loin. On peut, au contraire, choisir de regarder les choses en face. Tout simplement pour mieux se connaître soi-même. La compréhension ne passe pas forcément par de la difficulté. Par exemple, le passage à la retraite n'est pas obligatoirement mal vécu. La notion de mieux se comprendre ne passe pas automatiquement par du dramatique.

Si je travaillais avec des recettes, cela m'empêcherait de faire avec le feeling. Je peux échouer. Mais j'échouerais plus si je n'avais pas le feeling.

Pour en savoir plus, cliquer ici.


 
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Témoignage de Catherine, ex- psychologue, élève de Val HOLMES


En quoi votre travail en art textile, avec Val HOLMES, a-t-il été un chemin d'évolution personnelle ?

Quand Val a commencé à présenter son projet au groupe dont je fais partie, elle a dit :
« Vous allez suivre un chemin personnel , chacune à votre allure. Ce cheminement évolutif vous amènera, pour vous exprimer, à être dans vos travaux ce que vous êtes vraiment. C'est plus un cheminement personnel qu'un chemin. Dans ce cheminement, il s'agit d'abandonner tout ce qui est formel, conventionnel. »

Pour ce qui me concerne, j'ai conscience que tout ce qu'on emmagasine au cours d'une vie pour parvenir à la gérer nous emprisonne, ou plutôt nous ligote. Ce travail est une façon de faire éclater toutes les barrières , les limites, dans la vie professionnelle, personnelle.

Etre moi-même m'amène à reconsidérer ce que j'avais construit, pour produire des choses qui seront peut-être d'intérêt moyen. En fin de vie professionnelle, on est habitué à ne recevoir que des compliments. La mise en face de soi-même peut être difficile à vivre.

Justement, comment vivez-vous l'expérience artistique ?

Val a l'art de trouver les mots pour faire progresser chaque membre du groupe. Les mots qu'il faut pour déclencher quelque chose sont parfois vigoureux. Si tu te dis que tu es venue là pour te reposer, non, tu ne te reposes pas !

Cette démarche n'est pas neutre. Tu produis une partie de toi. Il faut laisser tomber ton savoir pour être toi-même, pour découvrir plein de choses sur toi-même, dans le domaine artistique. Pour savoir ce que tu es capable de créer, en dehors des normes qui ont toujours été les tiennes, de ce que tu as appris, lu dans les bouquins. Pour sortir de toi-même un produit qui soit de toi.

S'agit-il d'une déconstruction ?

Oui. Pour moi, à l'âge que j'ai -73 ans-, ma solidité personnelle me permet d'accepter cette déconstruction. Les personnes plus fragiles vont faire, vont produire. Elles vont rester au premier niveau, sans être déconstruites. Mais on a le droit d'avoir des mécanismes de défense, de se protéger. En entrant dans ce travail, on s'expose plus ou moins dangereusement. Pour ce qui me concerne, c'est la dernière fois que je peux me mettre en situation d'apprendre des choses, de me révéler. L'âge est là. Et vient le temps où tu ne peux plus déconstruire, car il faut avoir le temps de reconstruire... C'est le dernier temps où je peux me mettre en situation de déséquilibre.

jeudi 16 août 2012

Jean-Luc TAR. Les peintres sont des fausseurs de compagnie

Jean-Luc TAR mène de front une vie professionnelle bien remplie dans le monde des affaires, l'éducation de ses enfants et trouve encore du temps pour des activités artistiques.




Peintre lui-même et artisan des arts plastiques, il aime évoquer le passage de la peinture figurative du Moyen Age, - qui était le reflet de la vie -, à celle de la Renaissance encline à faire passer d'autres messages. Avec un ami, il étudie l'influence de Jérôme BOSCH sur les périodes ultérieures. Tenant d'une thèse selon laquelle l'oeuvre du peintre aurait été protégée de l'obscurantisme religieux, il puise dans cette recherche une soif de décryptage du travail des maîtres.
Mais il nous présente d'abord l'une de ses propres créations. Datée du 21 juin 1997, elle évoque la Fête de la Musique.






Question de néophyte : pourquoi, dans ce tableau, les visages des personnages n'ont-ils pas d'yeux, de nez, de bouche, ni d'oreilles ?
La musique, en elle-même, permet aux sens d'être en effervescence, dans une communion. A la manière de Magritte qui, dans certaines de ses toiles, ne figurait pas les détails du visage, le tableau peut quitter un peu l'artiste pour appartenir à l'observateur. Dans la zone claire, dominante par rapport à l'arrière-plan, chaque couche créée au couteau accentue ou diminue l'éclairage. Sur ce fond très foncé, dans la symbolique du monde de la nuit, de la fête, le spectateur est invité à créer les expressions, impressions et sentiments des personnages.

A la manière de Magritte ?
Oui, Magritte est l'exemple des « fausseurs de compagnie ». La liberté d'interprétation peut être un leurre pour qui ne dispose pas d'éléments clés. Lorsque l'on sait que Magritte a vécu un drame dans son enfance, on peut faire un rapprochement entre sa biographie - pour le lecteur qui aura la curiosité de s'y reporter - et quelques uns de ses personnages voilés. Plus subtilement, dans d'autres créations, la symbolique de la fenêtre fermée invite à aller voir ce qu'il y a derrière et ouvre une suggestion d'approfondissement. Ou encore, la figuration d'une autre réalité à l'intérieur d'un personnage central révèle suffisamment l'intériorité de l'artiste pour susciter l'intérêt, mais garde sa part de mystère. Au-delà du premier plan, il faut aller chercher les autres richesses du tableau. En remontant le temps, nous observons que les écrits codés de Vinci livrent un éclairage de sa peinture, mais obligent au décryptage pour ne pas délivrer trop vite ses messages. Et puis comme les papillons de nuit, nous pouvons être aveuglés par la lumière des flashs de la grande salle du Louvre et, à côté de la Joconde, ignorer un sublime portrait du Titien.

Concernant le décryptage, quels indices peuvent-ils nous guider ?
Jérôme Bosch semble beaucoup devoir à la Compagnie Notre Dame, qui aurait protégé de l'Inquisition son œuvre particulièrement iconoclaste. Vinci et Durer citent dans leurs écrits la compagnie sans nommer Bosch et ceci sans doute, dans un haut souci de discrétion.
Dans nombre des tableaux de Bosch, on trouve le personnage de la chouette. La chouette, à la différence du hibou, a les yeux décalés, l'un plus bas que l'autre, ce qui ouvre à une vision particulière. Dans un autoportrait, Bosch s'est représenté avec le même décalage des yeux. Omniprésent dans ses toiles, le volatile représente-t-il l'artiste lui-même ? Evoque-t-il l'alchimie ? Le regard ?
Sans un minimum de clés révélées, on peut passer à côté des messages de la peinture.
A la différence de Vinci et Durer, Bosch n'a rien écrit. Dans le « Jardin des délices », certains signes pourraient nous mettre sur une piste égyptienne : triangles, plume de Maat. En outre, la chouette aurait un rapport avec les hiéroglyphes. On peut s'étonner d'y trouver aussi une girafe, un éléphant, alors qu'il est établi, qu'en 1450, il n'était jamais allé en Afrique.

Contact :  jeanluc.tar@gmail.com