vendredi 5 septembre 2014

Pat le Meur. Transmettre le Rock’n'Roll

A cinq mois de fêter, le 31 janvier 2015, au Nautile de la Forêt Fouesnant, la vingtième édition de « Dance To The Bop », la mythique soirée Rock’n' Roll quimpéroise régulièrement investie par plus de sept cents danseurs, Pat le Meur créateur de la formule et professeur de danse, à la MPT d'Ergué-Armel, pour la trente-deuxième saison d’affilée, nous livre quelques confidences.




Comment est né le Rock’n' Roll ?
Contrairement à ce que j’entends dire, le Rock’n' Roll n’est pas une musique de rue. Il est né dans les juke joints, et les honky tonks, une musique sur laquelle les noirs américains dansaient. Le premier morceau connu, sous toutes réserves, serait « Rocket 88 » de Ike Turner, alors guitariste de « Jackie Brenston and his Delta Kings ». C’était un délinquant notoire. Le Rock’n' Roll n’est pas une musique de riches, mais une musique ouvrière, venue des bas fonds. C’est plus tard que ce genre musical a explosé, en 1954, notamment en Angleterre, alors que les danseurs portaient les belles fringues de l’époque. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de critère d’habillement, il n’y a pas de « Rock’n' Roll attitude ». C’est ouvert à tout le monde. Il faut venir comme on est. Il faut que ce soit naturel. Chaque individu doit développer son style personnel, sur la base, bien-sûr, des passes qu’il apprend en cours. J’en enseigne une centaine. Les bons danseurs en utilisent vingt ou trente. Mais on n’est pas bon danseur parce qu’on connaît beaucoup de passes. Les bons élèves apprennent à écouter la musique et développent leur style personnel, fluide, gracieux et dans le rythme. On peut aimer le Rock’n' Roll à petite ou à grande dose et rester soi-même. J’accueille tout le monde à bras ouverts. Je peux remontrer cinquante fois, s’il le faut, un point technique à un débutant. Depuis trente deux ans, je n’arrête pas d’expérimenter et de remettre en cause ma pratique. On peut savoir danser, mais enseigner c’est un métier. Evoquant certains cours concurrents, l'un de mes amis a une formule sympathique : « N’allez pas voir des copies quand vous avez l’original près de chez vous ! »
Et les musiciens ? Sont-ils des copies ?
Il y a aujourd’hui de très bons groupes de rock. Cela entretient la flamme. Mais ce n’est pas l’âme des originaux, ceux qui ont créé les morceaux. Il reste peu de pionniers encore vivants comme Chuk Berry. J’ai la chance, après trois ans de correspondances assidues, d’avoir été reçu en 1991 par Hasil Hadkins, dans sa cabane un peu délabrée en pleine montagne de Virginie de l’Ouest, à 8 km de Maddison. Le shériff de la ville et son adjoint se sont mis à rire quand je leur ai demandé ma route. C’était lui aussi un délinquant et il les aurait, disaient-ils, reçus quinze jours plutôt la Winchester à la main. Il faisait partie des pauvres qui visiblement n’étaient pas tous noirs. Cette rencontre fut un privilège que peu d’amateurs de rock, même américains, peuvent évoquer pour eux-mêmes. A l’époque je n’ai pas mesuré la rareté du moment.
L’affiche de « Dance To The Bop 2015» est-elle connue ?
Trois groupes sont annoncés : Mike Sanchez, T.Bo and the Boppers et the Dallan Fly Cats ! Réservez dès maintenant votre soirée. Même si vous n’êtes pas danseur, c’est une ambiance unique à découvrir.

dimanche 31 août 2014

Robert Joubin. Tragédie contemporaine



Robert Joubin, metteur en scène, responsable du pôle théâtre de Quimper, a puisé dans un récent voyage à Epidaure l'envie de montrer à quoi sert le théâtre dans la cité. Comme son homologue de l'antiquité, il se trouve dans le rôle du professionnel qui met en mouvement des comédiens amateurs.








Complexes, cruelles, à la manière de la tragédie grecque dont elles s'inspirent, il s'agit de faire vivre les relations entre individus sous le prisme coloré de la condition humaine et de se poser une question : nos besoins ont-ils changé depuis 2500 ans ?

L'envie d'aimer, d'être aimé, l'inadaptation à la relation amoureuse sont au cœur de la tragédie contemporaine créée collectivement par douze acteurs amateurs qu'il accompagne, tous habitant le quartier du Moulin Vert. Il s'agissait, dimanche 8 juin 2014, au Théâtre Max Jacob de Quimper, du premier tableau d'une trilogie. Les deux suivants évoqueront les thèmes de l'emprise, puis du pouvoir, avec vingt deux autres comédiens qui viennent, eux, du quartier de Kerfeunteun.

« Ce sont, souligne le metteur en scène, trente quatre personnes qui habitent Quimper et les alentours et témoignent d'une certaine vision de la vie. Ces gens-là, à notre époque, sur ce thème-là, dans cette ville, à cet endroit, en 2014. »

Si la vraisemblance, la pertinence des situations conflictuelles, la manière réaliste dont chaque acteur habite son personnage percute la sensibilité du spectateur, c'est à la singularité du processus de création que le public le doit. Après étude de pièces antiques dès la rentrée de septembre, chaque comédien a choisi un personnage, l'a fait évoluer sur un travail de plateau. Improvisation et observation de ce qu'il se passe dans les corps qui se côtoient.

« On sait, développe Robert Joubin, si les acteurs sont présents et s'il y a une relation à l'autre qui est en jeu. Cela a du sens. Ce n'est qu'ensuite, qu'est venue, comme allant de soi, en février, l'écriture des dialogues. D'autres acteurs (qui seront sur scène, en second plan, des récitants habillés de noir) imaginent, avant de connaître l'histoire réelle, ce que ressent la personne à l'intérieur de sa présence à l'autre, et l'écrivent. Ils ont perçu l'essentiel et ça marche ! »

Avec le public aussi cela fonctionne. Les saynettes s'enchaînent. Un enseignant désabusé, pris à partie par une mère d'élève, distille avec l'art consommé du second degré, un fatalisme assumé. On vit encore une scène de confidences entre hommes interrogeant le ressort d'une relation amoureuse : amour ou pulsion de reproduction ?

Faire jouer les habitants du lieu, c'est peut-être simplement pour Robert Joubin, comme à l'époque antique, contribuer à trouver du sens à la vie ? La pièce aurait pu se jouer à Epidaure...

samedi 30 août 2014

Hervé Larhant. « You are silver ! »



50 élèves de cinquième d'un collège ont reçu, en février 2014, la visite de Hervé Larhant, médaille d'argent de voile aux jeux paralympiques de Pékin de 2008.





 

Hugo et Tanguy, installés au premier rang, n'étaient pas prévenus de l'identité de l'intervenant. Une fois passée la surprise, ils ont entendu le champion raconter l'aventure des jeux et cette dernière manche de la compétition où un officiel est venu rompre l'incertitude du résultat final en leur criant : « You are silver ! »

Jouant de sa prothèse de la jambe gauche perdue dans un accident de moto, Hervé Larhant lance à ses interlocuteurs : « Vous connaissez l'expression « prendre ses jambes à son cou » ? Eh bien il y a des choses que je ne peux pas faire, mais la différence ce n'est pas grave. Même si quelque chose ne va pas, on peut toujours faire des choses. » Et de raconter aussi comment dans l'année précédant la compétition, la moitié de son temps était consacré à la préparation, au détriment de la vie familiale. Comment sur le site olympique on est dans une bulle, concentré sur l'objectif de la médaille.

La matinée n'a pas laissé Théo insensible :
« J'ai été touché dans mon cœur. Je rêve de devenir chanteur et voir ce qu'Hervé a fait de sa vie m'a redonné la pêche ! »

Mathilde aussi a beaucoup aimé :
« Savoir que les handicapés font toutes ces choses pour réaliser leurs rêves, c'est impressionnant... »
Hervé Larhant se félicite du moment de cette rencontre :
« Ces jeunes qui s'ouvrent à la vie, c'est motivant de leur donner envie de faire des choses ! »
C'est par une exhortation qu'il conclut son intervention :
« Allez vers vos rêves, vers vos projets. Il faut toujours aller jusqu'au bout. Si vous avez mis le pied dans la porte, poussez la. Et c'est peut-être la lumière que vous trouverez derrière ! »

vendredi 22 août 2014

Thierry Becouarn. De l'ombre à la lumière...

Montrer sa ville, Quimper, sous un angle personnel, loin des clichés, c'est l'une des passions de Thierry Bécouarn, photographe. En dévoilant quelques clés de lecture de sa recherche créative, l'artiste livre un peu de l'homme dans son intériorité.






Comment parlez-vous de votre démarche artistique ?

Plusieurs thèmes me tiennent à cœur : l'évocation des gens qui ne sont plus là, la solitude, le couple, l'échec de la famille. C'est une évidence, je parle de moi dans mes photos. Je ne recherche pas spécialement le beau. Plutôt les atmosphères, les ambiances, les scènes un peu lourdes. Plutôt que le beau, je recherche ce qui a du sens. Mon encre, c'est l'ombre et la lumière. Elle me sert à illustrer ce que j'ai au fond du cœur et qui ne sort pas forcément au cours d'une discussion. La photo est une discipline qui en vaut une autre. L'important, c'est d'avoir un support pour fixer les idées et échanger avec les autres. Echanger, c'est expliquer, commenter mon regard sur la mort, la famille, sur plein de sujets et surtout recevoir ce que les autres voient dans mon travail. C'est souvent très différent de ce que j'écris. J'ai une écriture et ils ont une lecture totalement différente de ce que j'écris. Quand je vois de la noirceur dans mon travail, eux y voient beaucoup de poésie. Je vois de la nostalgie, une forme de tristesse. Ils voient de légèreté, de la joie. C'est très ambivalent. Ce que j'écris est lu différemment. Pratiquer un art, c'est exprimer ce que l'on a au fond de soi, si possible de telle façon que le lecteur lise ce qu'on a voulu exprimer. Et là, c'est le contraire qui se passe. Et quand je dis le contraire, c'est souvent à l'opposé.



   

 (Crédit photo : Thierry Becouarn, "La photo par passion". Tous droits réservés)



Pour illustrer votre propos, pouvez-vous commenter la photo ci-dessus ?

Elle s'inscrit dans la thématique de "l'ombre et la lumière". L'ombre étant alternativement la mort et la vie. Ici, c'est le manège qui représente l'enfance et la joie. Je l'ai mis dans l'ombre. Et j'ai mis dans la lumière les chaises vides qui représentent les gens qui ont disparu. Le sens de circulation suit la logique de la vie qui va de la petite enfance avec le manège vers les chaises vides qui figurent l'âge adulte et la disparition. Sur la droite en haut il y a quelques petites lumières et un passage vide. C'est le passage par lequel les âmes sortent. Cela donne une idée de ce qu'est ma matière intérieure. A partir d 'un sujet qui me plaît, je commence par quelques prises de vues et j'avance pas à pas dans la réflexion pour aller progressivement plus loin.


Et les autres peuvent avoir une autre lecture... Que vient dire ce décalage ente l'intention initiale et le message perçu ?

Là où je mets de la noirceur dans mon travail, les autres y trouvent une touche d'optimisme. Mais je ne m'en rends pas compte. La partie maîtrisée de mon travail c'est celle qui me sert à écrire. Et la partie non maîtrisée, c'est celle que les gens perçoivent. Et donc je découvre un autre point de vue au travers de leurs impressions. Cela complète mon information, mon regard, sans pour autant le modifier, parce que ce que j'illustre ce sont mes pensées ou mes ressentis.


Pour aller plus loin justement, pouvez-vous mettre des mots sur la singularité de votre travail ?

Je pars de ce qui m'exprime sans tenir compte des courants, sans regarder ce que font d'autres photographes, sans m'inspirer d'effets de mode. Je roule en solo. Je ne m'inscris pas dans une tendance, une école. Je ne m'inscris dans rien.
Après, j'ai de la considération pour les photos des années 40 ou 50. J'aime cette époque au niveau musique, photo, littérature aussi. Je fais pas mal de photos en noir et blanc avec des ambiances glauques, style polar, inspirées de films comme « L'assassin habite au 21 » ou encore « Le corbeau », avec des plans aux détails bien léchés, des éclairages bien maîtrisés. Tout ça c'est des choses qui ont bercé ma jeunesse et qui ressortent maintenant. Mais je ne regarde pas les autres pour faire pareil...

Galerie « La photo par passion », 3, rue Toul al Laer 29000 Quimper.
Studio « La photo par passion », 31 rue Jean Jaurès 29000 Quimper.
Tél. 02.98.53.34.90 ou 06.32.75.03.97.
Site :  http://photo-par-passion.fr/